Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 2.djvu/8

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Louis XIII était mort au château de Saint-Germain, le 14 mai 1643, si faible et si dédaigné que sa dernière volonté ne fut pas même écoutée.

Le roi avait cinq ans et quelques mois. La régence nouvelle, ayant une longue carrière à parcourir, ressemblait presque à un règne. Anne d’Autriche, quoiqu’elle eût quarante ans sonnés, gardait parmi son peuple une réputation de beauté et même de jeunesse. On lui tenait compte de l’interminable tutelle qui, pendant vingt-huit ans, avait pesé sur sa liberté. On s’était accoutumé à voir en elle une pensionnaire couronnée dont la jalousie du feu roi faisait une esclave. Devenue mère très tard, elle avait aussi le bénéfice de ce petit lit où dormait Louis le Grand encore enfant.

Rien ne rajeunit si bien qu’un berceau.

On l’avait plainte assez longtemps pour l’aimer quelque peu. La cour et la ville s’étaient intéressées aux bizarres romans de ses amours, dont nul n’avait su bien lire les pages mystérieuses et courtes. Nous avons prononcé le mot pensionnaire : pour beaucoup, ses intrigues galantes étaient tout bonnement des fredaines de fillette opprimée, trop punies par la brutalité froide et odieusement rancunière de son mari, vieux barbon de comédie torturant à plaisir cette Agnès sans défense.

Le barbon et son Agnès avaient, en réalité, juste le même âge. L’oppresseur était un pâle jeune homme, débile et beau ; la victime était une grosse maman, solidement nourrie, que ses portraits nous montrent avec de rondes joues un peu tombantes, à l’autrichienne, et une gorge triom-