Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 2.djvu/9

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phale, faite pour inspirer une toute autre impression que la pitié.

Il y a des natures à qui le malheur donne un désirable embonpoint. Après tout, Anne d’Autriche était une charmante femme très coquette, un peu faible d’esprit, aimant beaucoup l’Espagne et ses aises, en politique comme en amour, fidèle à son mari, je le suppose, et à M. le cardinal de Mazarin, j’en suis sûr, gouvernante médiocre, patriote douteuse, ayant eu dans sa vie une demi-douzaine d’aventures jolies et quelques moments dramatiques où elle ne fut pas sans déployer une belle fierté. Nous ne voyons pas pourquoi la pierre lui serait jetée, à cette reine appétissante et blanche qui se fâchait à la façon des soupes au lait. Peut-être qu’une personnalité mieux tranchée aurait eu plus de peine à traverser l’ouragan pour rire que la Fronde allait déchaîner sur Paris et les provinces en chantant.

Ce joli garçon de Mazarin, menant le monde, sous prétexte de gagner sa vie, le duc de Bouillon, Machiavel, bourgeois travaillant pour son pot-au-feu, Gaston d’Orléans, grignotant la chèvre en broutant le chou, madame de Chevreuse soulevant des tempêtes dans une cuvette pour donner à l’ami de sa famille, l’abbé de Gondi, le plaisir de les apaiser, MM. de Conti, d’Elbeuf et de Beaufort tirant chacun à soi au milieu d’intrigues galantes ou d’horribles soupçons passent et repassent sans produire le moindre éclat, le conseiller Broussel, Prud’homme anticipé que les Parisiens bafouent de leurs respects, le chancelier Séguier, presque sage au milieu de ces folies, et ces deux grandes