Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 2.djvu/83

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le pense. Ce don Estéban a des yeux qui… En vérité, oui, des yeux de chrétien ! et je donnerais gros pour savoir où j’ai vu ces yeux-là autrefois !

— Tiens, tiens ! s’écria le page en ce moment, voici les fenêtres du salon de madame la reine qui s’éclairent.

Chacun tourna les yeux vers le palais Cardinal, dont les croisées présentaient en effet maintenant une ligne de lumière.

C’est la première fois depuis la mort du roi, dit-on à la ronde.

Et quelques voix ajoutèrent :

— Le deuil de Sa Majesté n’aura pas duré longtemps !

La Chantereine prit un air d’importance.

— Vous n’y êtes pas, dit-elle. On sait ce qui se passe ici, parce qu’on a gardé quelques belles connaissances. M. le baron de Gondrin, qui va faire la pluie et le beau temps si le jeune duc de Beaufort mène bien sa barque, se souvient de jadis et vient encore de temps en temps nous dire : Bonsoir, mignonne. Il y a donc que madame la reine voudrait bien se divertir un tantinet, sans rompre son deuil. Vous avez ouï parler peut-être de cette invention nouvelle où bien des gens voient de la sorcellerie : la lanterne magique, comme ils appellent cela ?

— Certes, certes, fit-on de toutes parts. On dit que c’est merveilleux, cette mécanique-là !

— On dit vrai. M. de Gondrin a trouvé deux Lombards de Bergame qui ont acheté en Allemagne un de ces instruments ; et c’est ici qu’on en a fait l’essai : ici, à la Pomme-d’Amour.