Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 2.djvu/87

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— Ah ! fit l’ancien drogueur de la reine-mère, en prenant une pose attentive ; vous savez tout !

La tête bronzée de l’homme au burnous s’allongea plus attentive.

Au cabaret de la Pomme-d’amour, les conversations devenaient plus bruyantes, à mesure que le vin faisait son effet. En un instant où les groupes se taisaient par hasard, on put entendre la voix de ce coquin de Mitraille qui disait :

— Maître Chantereine, je me prive de boire parce que j’ai besoin d’être toujours sain de raison. Servez-moi une autre mesure de vin. Je donnerais volontiers une demi-pistole, moi qui ne suis pas riche, pour savoir si ce don Estéban est un scélérat ou un honnête homme.

Nos deux interlocuteurs de la Court-Orry tressaillirent tous deux à ce nom.

— Don Estéban ! répéta tout bas Saint-Venant. Je me suis déjà occupé de celui-là… beaucoup !

Il ajouta :

— C’est pourtant avec notre argent, que ce misérable Ramon, qui s’appelle maintenant Chantereine, a monté son cabaret. Il manœuvra bien, cette nuit-là. L’enfant disparut… et l’incertitude où il nous laisse depuis quinze ans lui vaut une bonne rente.

— Monsieur le conseiller, interrompit Mathieu Barnabi, j’avais oublié un article dans le compte de mes frayeurs ; ce don Estéban est venu chez moi.

— Ah ! fit Saint-Venant dont la joue rubiconde pâlit aux rayons de la lune.

Il est venu chez moi, répéta Barnabi. Est-ce un