Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 2.djvu/88

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vrai More, comme on le dit ou un chrétien, selon que l’indique son nom espagnol ? Je me suis fait passer pour sorcier auprès de bien des gens, autrefois, avant d’avoir une honnête aisance. Et que je meure s’il ne m’est pas arrivé parfois de rencontrer juste ! Si je pouvais croire aux sorciers, après cela, monsieur de Saint-Venant, je vous dirais que ce diable d’homme en est un, car il m’a rappelé des choses…

— Et vous a-t-il arraché vos secrets ? demanda vivement le conseiller.

Barnabi fut quelque temps avant de répondre.

— Je n’ai rien dit, murmura-t-il enfin, je suis bien sûr de n’avoir rien dit. Et pourtant, après un quart d’heure d’entretien, il me parlait comme s’il eût tout deviné.

Saint-Venant laissa échapper un juron peu en rapport avec ses discrètes habitudes. Il avait l’air profondément soucieux. Mais il secoua bientôt cette préoccupation découragée pour reprendre d’un ton net et ferme :

— Mon compère, il faut nous hâter. Peut-être n’avons-nous que le temps de jouer notre va-tout. Je propose que nous enlevions cette nuit madame la comtesse de Pardaillan.

Barnabi ouvrit de grands yeux.

— Ah ! fit-il à son tour. Cette nuit !

— Votre logis du Marais, poursuivit Saint-Venant, est tout ce qu’il faut pour constituer une charte privée. Nous y confinerons madame Éliane, qui aura à souscrire les conditions suivantes : m’accepter pour gendre d’abord, ensuite vous donner vingt mille écus pour vos soins et peine.