Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/105

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— Ah ! fit William, tu prévoyais cela ! moi qui t’ai pris si pauvre et si nu !

— Étais-tu riche ? demanda Bobby qui ajouta : Va, vieux Will, nous n’avons rien à nous reprocher ! Si tu as bien gagné ta moitié, moi, j’aurais mérité deux tiers.

— Ingrate engeance ! murmura le grand. Mais tu as raison, il est temps de partager… le missel ! finissons-en tout de suite.

Bobby mit son cigare entre ses lèvres et tâta son flanc par-dessus sa robe de chambre.

— Les bons comptes font les bons amis, dit-il ; tu dois avoir dans ton portefeuille le bordereau exact de ce que contient le missel.

— J’ai le bordereau.

— Prends-le, afin que nous puissions vérifier.

Il cherchait toujours sous les plis amples du satin. Il n’avait évidemment aucune inquiétude.

— Eh bien ! dit le grand.

— Eh bien ! je l’aurai déposé en entrant sous mon oreiller, répartit Bobby, comme c’est mon habitude. Va voir.

William traversa la chambre et souleva brusquement l’oreiller de l’un des lits.

— Il n’y a rien, dit-il ; tu l’as sur toi.

Bobby se leva. Son regard exprima une crainte vague. Au lieu de continuer à tâter le satin de sa robe de chambre, il la dépouilla violemment, et parut alors dans le costume qu’il portait chez l’archevêque. Ses deux mains se portèrent à la fois à son flanc gauche. Il devint livide, et son cigare tomba de ses lèvres.

William, qui le suivait désormais d’un regard défiant, eut du sang dans les yeux.

Ils ne prononcèrent pas une parole. Ils marchèrent l’un sur l’autre et personne n’aurait su dire comment chacun d’eux avait maintenant au poing un long couteau tout ouvert. Ils se rencontrèrent au milieu