Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/115

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Émerance, Gaston ! Votre cousine Émerance n’était pas complice, quand je bâtissais tous mes châteaux en Espagne. J’ignore si nous eussions obtenu sa main.

— Je l’ignore aussi, madame, et peu m’importe. C’est en Hongrie et non pas en Espagne que j’ai bâti, moi, mes châteaux.

Il s’arrêta comme si la rêverie l’eut pris soudain. La princesse le regardait bouche béante.

— Et quels rapports avez-vous eus jamais avec la Hongrie ? demanda-t-elle après un silence.

— Vous avez oublié, madame, répondit Gaston, que vous me chargeâtes, dans le temps, des démarches à faire pour régler vos retenues sur la terre de M. le duc, mon frère, à Debreczin.

— Et vous rencontrâtes quelque fille de magnat chez le notaire.

— Je vous en supplie, madame, ne raillons pas ! prononça le jeune marquis avec gravité. Jamais sujet ne prêta moins à la plaisanterie ! Avez-vous souvenir de l’histoire racontée hier soir par M. le baron d’Altenheimer ?

La princesse frappa ses deux mains l’une contre l’autre.

— Je savais bien qu’il y avait quelque extravagance là-dessous ! s’écria-t-elle. Je gage qu’il s’agit de la belle Lénor, fille unique du prince Jacobyi.

— Vous gagneriez, madame, dit Gaston qui ne sourcilla pas.

— Quelle soirée ! poursuivit la princesse. J’ai rêvé toute la nuit de ces audacieux scélérats. J’ai eu défiance, dès le principe, de leurs contes à dormir debout… Voyons, Gaston, mon enfant, à mon tour, je vous engage à ne point plaisanter sur des sujets sérieux…

— Le parti ne vous semble-t-il pas sortable, ma mère ! demanda le jeune marquis dont la tranquillité était à l’épreuve.

— Quel parti ?… Allons-nous rentrer dans les vam-