Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/16

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sard donnait aux hôtes de Monseigneur une représentation inattendue, une surprise, et quoiqu’on ne puisse expliquer très clairement pourquoi, il est certain que le cœur de nos belles dames battait le tocsin des grandes émotions.

M. le baron d’Altenheimer reprit d’un ton oratoire, qui fit ressortir davantage son accent allemand :

— Excellences et très illustres personnes, nous sommes, mon frère et moi, des étrangers dans la capitale de la France, et chargés tous les deux d’une entreprise difficile. Nous chercherons à mériter l’accueil honorable qui nous est fait, ainsi que la protection qui nous est promise. Mon frère Bénédict vous chantera ce soir nos lieder de Westphalie et quelques noëls romains originaux ; moi, dont la voix est assez bonne dans les chœurs, mais qui ne peux attaquer les soli, je suis heureux et satisfait de trouver une occasion de me rendre agréable. Les souvenirs légendaires et autres compositions traditionnelles ayant trait aux choses de la supernature sont chez nous tellement abondants que seulement j’aurais à choisir entre mille pour contenter votre noble curiosité. Je préfère cependant mettre de côté nos récits populaires et vous raconter des faits du même ordre qui sont à ma connaissance personnelle, ainsi qu’à celle de mon frère. Tout à l’heure, j’entendais ici plusieurs très puissantes personnes des deux sexes raisonner sur ces questions éternellement controversées et dire : « Il n’y a plus de spectres. » Une très illustre dame ajoutait : « Il n’y a plus de vrais brigands ; les temps de Rob-Roy, de Schinderhannes, de Zawn, de Shubry, de Mandrin et même de Cartouche, sont passés. Nous n’avons plus que des voleurs ! » J’admets que nous avons une énorme quantité de voleurs, mais je suis forcé d’affirmer que nous avons aussi des brigands. Sans parler des successeurs de Fra Diavolo dans l’Italie du sud, la Hongrie, la Bohême et les provinces méridionales de l’Autriche produisent encore des bandits très