Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/15

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— Fantômes ! vota une moitié du cercle.

— Brigands ! opina Mme la princesse, soutenue par quelques esprits forts.

Les peureuses, au contraire, désirant mourir une bonne fois de terreur, demandèrent :

— Vampires !

Et Mgr de Quélen, avec une mansuétude où perçait une légère pointe d’ironie :

— On pourrait mélanger agréablement toutes ces bonnes choses dans un plat de haut goût.

— C’est cela ! s’écria l’évêque d’Hermopolis en homme sûr du virtuose qu’il a produit. Baron, ces dames désirent une histoire à faire dresser les cheveux, où il y aurait à la fois du brigand, du fantôme et du vampire !

— Hilarius, dit le ténor doux, justement les FRÈRES TÉNÈBRE contiennent ces trois ingrédients.

— Oui, répliqua la basse, au plus creux de son clavier ; vous avez raison, mon frère Bénédict : les frères Ténèbre ! Je crois que les frères Ténèbre, en effet, pourront contenter leurs Grandeurs et l’assemblée.

— Le nom est bien choisi ! murmura Mme la princesse qui gardait son rire incorrigible, bien que sa main fût crispée convulsivement sur le bras de M. le marquis de Lorgères, son fils.

— Le nom n’est pas choisi du tout ! répartit monsignor Bénédict d’un ton un peu piqué. Tout le monde connaît les frères Ténèbre en Allemagne.

— Et tout le monde les connaîtra bientôt à Paris, ajouta le conseiller privé en baissant la voix comme malgré lui.

Si le nom n’était pas choisi à plaisir, on peut dire du moins qu’il était heureux au suprême degré. Le cercle se resserra. Ceci n’était point dans le programme de la fête qui devait se terminer par un petit concert de bienfaisance, mais ceci valait dix fois toute la fête. Le ha-