Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/164

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Le docteur était né vassal de Rieux. Involontairement saisi par le souvenir de tous les bienfaits dont cette noble race avait de tout temps comblé le pays, il se découvrit à son tour.

— Citoyenne, balbutia-t-il avec embarras, j’ai refusé asile à Marie Brand, mais Marie de Rieux…

— Assez, Monsieur ! interrompit la jeune fille avec mépris ; je ne veux point vous dire ce que je pense de vous, car Sainte, votre fille, fut mon amie, et René, votre fils, est un digne soldat du roi ; mais si vous eussiez accepté l’offre que ces messieurs ont eu la faiblesse de vous faire, j’aurais refusé, moi. Allez, Monsieur, allez continuer voire rôle ; il n’y a pas loin d’ici à Redon… et vous êtes libre !

— Libre ! répéta le Médecin bleu au comble de la surprise.

— Not’ demoiselle l’a dit ! grommela Jean Brand avec résignation.

— Qu’il soit fait suivant sa volonté ! ajouta M. de Vauduy.

Saulnier salua profondément Marie de Rieux et fit un froid signe de tête à Vauduy. En passant près de l’abbé de Kernas, il lui tendit de nouveau la main.

— C’est une noble enfant ! dit-il à voix basse en désignant Marie.

— Monsieur Saulnier, répondit le prêtre, remerciez Dieu, car il vous a donné une fille qui a toutes les vertus de son sexe et qui n’a que celles-là.

Quant à Jean Brand, il suivit le docteur, jusqu’au seuil, d’un regard haineux et plein de rancune.

— Il va nous dénoncer, pensa-t-il ; mais nous serons loin demain, et je veux que le loup me croque, s’il retrouve autre chose qu’un tas de cendre à la place de sa maison !