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V

le bien pour le mal


Un mois s’est écoulé depuis la scène que nous venons de rapporter. La lutte s’est engagée, ardente, implacable, comme toute lutte entre concitoyens.

Le jour de sa visite au château, le docteur avait accompli sa menace ; il était parti pour Redon avec Sainte. Jean Brand aussi s’était souvenu de sa promesse ; quand le citoyen Saulnier revint le lendemain, escorté d’un détachement de Bleus, il vit de loin fumer les derniers débris de sa maison.

Sainte pleura sur la demeure où s’était passée son enfance, où elle avait reçu le dernier soupir de sa mère, — sa bonne mère qui l’aimait tant ! — mais aucune pensée de vengeance n’entra dans son cœur. Il n’en fut pas de même du Médecin bleu, qui, dans sa colère, jura la mort de Jean Brand, et s’engagea volontaire pour traquer son ennemi.

Bientôt les environs de Saint-Yon offrirent une désolation profonde. Le bourg lui-même était abandonné, et c’est à peine si quelques femmes et quelques enfants se montraient parfois dans la longue rue déserte. Ces malheureux ne faisaient à Sainte aucun reproche, mais, quand ils passaient près d’elle, ils ne lui envoyaient plus leur cordial et joyeux salut. Son père n’était-il pas l’agent fatal qui avait amené les républicains dans ces contrées ?

Sainte ne discontinuait point pour cela sa vie de