Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/176

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Arrivé au bout de la caverne, il poussa une porte et entra dans une petite cellule voûtée, où Marie de Rieux était seule.

— Ah ! ah ! fit Marie en prenant un air de souveraine qui ne lui allait point trop mal ; notre fidèle père nourricier ! Sois le bienvenu, Jean Brand, je craignais de ne plus te revoir.

Elle tendit la main avec une affectation théâtrale, et le bedeau la porta à ses lèvres.

— Not’demoiselle, dit-il, voici mam’zelle Sainte, qui m’a sauvé la vie, et qui voudrait savoir des nouvelles du Médecin bleu.

— Sainte ! s’écria la hautaine enfant en cachant une émotion réelle sous un sardonique sourire ; qu’elle soit aussi la bienvenue ! Mais est-ce bien chez nous qu’il faut venir, pour chercher des nouvelles du Médecin bleu ?

— Sauf respect, commença Brand, en interrogeant nos hommes…

— C’est bien ! interrompit Marie, interroge qui tu voudras, et laisse-nous seules.

Brand salua et se retira aussitôt.

Les deux jeunes filles ne s’étaient point vues depuis le jour où la croix, surmontée d’un drapeau blanc, avait été relevée au carrefour de la forêt. Il y avait de cela plusieurs mois. Sainte fut surprise et affligée du changement que ce court espace de temps avait opéré sur les traits de sa compagne. Marie était toujours belle, mais une mate et maladive pâleur avait remplacé les fraîches couleurs qui brillaient autrefois sur sa joue. Son œil était entouré d’un cercle bleuâtre, et il y avait une tristesse profonde sous la méprisante ironie de son sourire.

Elles restèrent quelques minutes en face l’une de l’autre. Marie semblait faire une comparaison pénible entre le doux visage de Sainte et ses traits à elle, ses traits d’enfant, déjà fanés et presque flétris. Enfin elle rompit le silence.