Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/189

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hauts chênes, tomba d’aplomb sur nos trois personnages.

Les deux Saulnier se reconnurent et jetèrent leurs sabres. René se mit à genoux.

— Voilà donc où tu devais en venir ! s’écria le Médecin bleu avec amertume.

— Taisez-vous un petit moment, monsieur Saulnier, dit l’homme qui avait mis fin au combat ; me reconnaissez-vous ?

— Jean Brand ! s’écrièrent en même temps le père et le fils.

— En propre original ! approchez-vous, docteur, car je sens que je m’en vas.

— Êtes-vous donc blessé ? interrompit Saulnier.

— Mieux que cela, docteur, et tous vos remèdes n’y feraient rien ; ainsi donc écoutez-moi. Je vous ai sauvé la vie hier…

— Je le sais.

— Ne m’interrompez pas. Or, si je vous ai sauvé la vie, ce n’était pas par tendresse pour vous, monsieur Saulnier, car je vous ai toujours détesté du mieux que j’ai pu ; c’était pour votre fille. Quant à toi, René, je t’ai sauvé aussi, mais tu es un bon garçon et je te tiens quitte.

— Quel prix mettez-vous au service que vous m’avez rendu ? demanda le docteur.

— Ne m’interrompez-donc pas ! En outre de cela, docteur, je viens de vous empêcher de vous entre-tuer, votre fils et vous, ce qui eût été désagréable, même pour un bleu… excusez-moi. Pour ces deux services, je ne réclame qu’une chose.

— Parlez.

La voix de Jean Brand s’affaiblissait graduellement ; il reprit pourtant avec effort :

— Monsieur Saulnier, la guerre est finie ; il n’y a plus de Chouans à Saint-Yon, je suis le dernier, et dans deux minutes, j’aurai rejoint mes frères. Embrassez