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III

les noces de venise


Mme la princesse préférait de beaucoup cette histoire à d’autres qui auraient mis en scène des brigands français ou des fantômes indigènes. L’impression produite en nous tous par un récit vient surtout, il faut bien l’avouer, du retour involontaire que chacun fait sur soi-même en écoutant. Cette remarque est principalement vraie à l’égard des fictions calculées pour produire la frayeur. Jamais vous n’obtiendrez dans un salon de Paris, à l’aide d’une légende ou d’un conte fantastique, ce succès de frémissements qui viendra vous chercher près d’un grand feu de souches, autour de l’énorme cheminée d’un vieux château. Les spectres n’entrent plus dans Paris, on le sait bien. Les auditeurs peuvent s’amuser, mais non point avoir peur.

Or, on ne s’amuse, en ces cas-là, véritablement et pleinement qu’à la condition d’avoir peur.

Le récit de ce bon M. d’Altenheimer était curieux, et voilà tout. C’est tout au plus s’il atteignait à ce niveau d’émotion qui naît si facilement au théâtre, dès que la rampe s’éteint à demi et qu’un inconnu traverse, le chapeau sur les yeux, la scène assombrie. La peur n’existait plus. Allez donc effrayer des Parisiens, et des Parisiens de haute volée, avec les vampires de la Drave et des chevaliers français enterrés depuis quatre cents ans sur la route de l’Orient !

Mme la princesse était si bien guérie de ses terreurs