Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/35

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ler privé, baron d’Altenheimer, n’était qu’une pauvre tête sans cervelle !

Dans l’assistance, quelques-uns pensèrent tout simplement que ce grand bonhomme d’Allemand, avec sa basse-taille profonde, était fou, déplorablement fou ; d’autres s’imaginèrent qu’il raillait ; d’autres enfin, parmi lesquels il faut ranger Mme la princesse, ne furent pas sans trouver assez ingénieuse sa méthode pour l’extirpation des eupires, vampires, etc., etc.

— Il est superflu de vous dire, continua M. d’Altenheimer qu’il arriva malheur dans la maison du prince Jacobyi. Sa fille fut enlevée cette nuit-là même. Ce que les frères Ténèbre font des sommes immenses qu’ils s’approprient par le vol, nul ne saurait le dire. La chose positive, c’est qu’ils aiment l’argent. Certains pensent qu’ils ont enfoui dans différents lieux de l’Allemagne du sud des trésors fabuleux.

« Le prince Jacobyi fut avisé que sa fille Lénor lui serait rendue saine et sauve, moyennant une rançon d’un demi-million de florins ; il fut en outre averti qu’à la moindre tentative pour la recouvrer, soit au moyen de la loi, soit de vive force, l’enfant serait perdue pour lui à toujours.

« Il n’hésita pas. Quarante-huit heures après, il avait les douze cent mille francs et Lénor, saine et sauve en effet, coucha dans son lit cette nuit même.

« Mais il arriva que le chevalier Ténèbre et son frère Ange, le vampire, n’étaient pas les seuls bandits auxquels eût affaire ce bon magnat Jacobyi ; les deux intendants et le banquier de Pesth étaient aussi des vampires à leur manière. Il y avait une mine creusée dès longtemps et que l’emprunt des cinq cent mille florins fit éclater. Les créanciers hypothécaires vinrent tous à la fois, et comme s’ils se fussent donné le mot, réclamer le montant de leurs cédules. On vendit le domaine de Chandor aux enchères publiques. Ce n’était pas une terre, c’était tout un pays ; même au fond de la Hongrie,