Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/43

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des difficultés, des impossibilités, tout ce que masque enfin ce lâche mot ; invraisemblance, protestation des esprits étroits contre la vérité trop large.

« Oui, certes, il y avait des difficultés à venir dans cette cour dont les princes et les princesses tiennent par leurs alliances l’Europe entière comme en un réseau de famille ; oui, certes, il y avait ce qu’on appelle vulgairement des impossibilités à se présenter, sous un nom royal (et comment s’y présenter autrement ?) dans ce palais où abondaient les hôtes et les amis de tous les rois. Aussi, les frères Ténèbre, veuillez vous en fier à eux, choisirent-ils avec soin leurs déguisements et leurs personnages. Il ne s’agissait plus de la naïve fantasmagorie de Venise. Notre Wurtemberg n’a pas la chevaleresque religion des royautés déchues ; c’est un pays neuf et positif qui n’a pas craint d’allier le sang de sa dynastie au sang de Napoléon qui fut votre empereur et qui, voilà quatre ans, a expié par la mort sur un rocher désert, la féerique splendeur de ses victoires. Il fallait ici une solide émanation d’un pouvoir existant, si vous permettez que je m’exprime ainsi ; il fallait du vivant, non point du mort ; il fallait en un mot, un personnage que tous ces princes et toutes ces princesses pussent appeler : mon cousin, sans créer à un État pacifique et relativement faible un cas de guerre ou des embarras diplomatiques.

— Où chercher cela ? non pas en Russie, d’où était venue notre feue reine, fille de Paul Ier, et où le prince Alexandre, oncle du roi, commandait les armées ; non pas en Prusse, où le prince Auguste, neveu du roi, servait dans les cuirassiers de la garde ; non pas en Autriche, où la princesse Marie, cousine du roi, portait le titre d’archiduchesse ; non pas dans aucune partie de l’Allemagne, où Nassau, Saxe-Altembourg, Bade, Stolberg, Waldeck-Hohenlohe, Tour-et-Taxis, étaient tous nos gendres ou nos beaux-pères ; non pas dans les Pays-Bas, où étaient déjà faites, avec l’héritier du