Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/70

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— Ma mère, M. le baron m’a répondu que les deux hommes en question sont ici…

— Ah !… J’en étais bien sûre !

— Mais que personne, acheva tranquillement le jeune marquis, vous entendez, ni vous, ni qui que ce soit ici, ne les a encore devinés.

— Ah !… fit encore la princesse, mais sur un mode bien différent : il s’est tout uniment moqué de vous !

Gaston lui baisa la main avec une grâce qui lui donna encore à réfléchir.

— Madame, reprit-il avec une toute légère nuance de moquerie qui acheva de renverser la princesse, voulez-vous que je vous rende un second et bien plus signalé service ?

— Lequel Gaston ?

— Voulez-vous que j’aille dans la chambre voisine prendre langue auprès de M. d’Arnheim lui-même ?

— Et lui demander s’il est le chevalier Ténèbre !… ricana la princesse.

— Le savoir sans le demander, madame, rectifia Gaston.

La princesse lui secoua la main et attira son oreille tout contre sa bouche.

— Si tu fais cela, Gaston, dit-elle, je te donne un tilbury pareil à celui de ton frère !

— Je préfère autre chose, madame, prononça gravement le jeune marquis.

— Quoi donc ? voyons ! parle !

— Promesse solennelle, répondit Gaston de ne point me parler de ma cousine Émerance pendant six semaines.

La princesse montra en un rire franc ses dents qui étaient encore très belles.

— Monsieur le marquis, dit-elle, je vous défends d’avoir trop d’esprit ! car il faut qu’il y ait en tout ceci une baguette de fée !

Elle le menaça d’un doigt caressant et ajouta :