Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/73

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— Je sais, répondit Gaston dont l’accent se raffermit, que je parle à Chrétien Jacobyi.

La tête du vieillard tomba sur sa poitrine.

— Qui vous a dit cela ? demanda-t-il d’un air sombre.

— Votre fille, Lénor.

— Lénor !… ma fille !

Il se tourna vers Mlle d’Arnheim qui avait les mains jointes.

M. d’Arnheim se redressa.

— Qui êtes-vous ! demanda-t-il encore.

— Gaston de Montfort, marquis de Lorgères, deuxième fils du prince de Montfort.

— Ah !… fit M. d’Arnheim, dont le regard alla et vint du jeune homme à la jeune fille.

Puis il interrogea une dernière fois.

— Et que me voulez-vous, monsieur le marquis de Lorgères ?

— Je veux vous demander la main de votre fille ; elle ne repousse pas mes vœux, et s’attendait à ma démarche.

Ceci fut prononcé d’une voix distincte, la tête haute et le regard assuré.

Mlle d’Arnheim demeurait muette, le front pâle, les yeux baissés.

Dans le salon voisin, la jolie voix de monsignor Bénédict perlait le chant d’un autre Noël, et récoltait à la fin de chaque strophe, une moisson d’applaudissement mérités.

Le vieillard regarda encore une fois sa fille. Ce n’était pas de la colère qui était dans ses yeux, c’était un morne accablement.

— As-tu désiré de me quitter ?… murmura-t-il, toi ! Lénor !

Mlle d’Arnheim s’élança vers lui ; son geste la repoussa sans rudesse, tandis qu’il ajoutait en s’adressant à Gaston :