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LES BELLES-DE-NUIT.

La servante revenait en ce moment avec une magnifique omelette et une épaule de mouton à peine entamée.

Nos deux compagnons s’assirent l’un vis-à-vis de l’autre, et durant un gros quart d’heure, leurs bouches pleines ne donnèrent passage qu’à de rares paroles. C’étaient deux vaillants mangeurs : Blaise surtout engloutissait les morceaux avec un entrain au-dessus de tout éloge.

L’omelette et l’épaule de mouton s’évanouirent, arrosées par un petit vin nantais qui se buvait comme du cidre.

Il ne resta bientôt plus sur la table qu’un os merveilleusement nettoyé, avec un tout petit morceau de fromage.

Blaise tendit le bras pour saisir cette dernière proie, mais il rencontra la main de Robert, qui semblait vouloir défendre l’assiette.

— Nous partagerons, dit-il en riant.

— Ce n’est pas pour moi, répliqua l’Américain. Lola n’a pas mangé depuis hier.

La figure de Blaise se rembrunit.

— Lola !… Lola !… grommela-t-il entre ses dents.

Puis il ajouta tout haut :

— M. Robert, tu es comme ces mendiants imbéciles qui jeûnent pour garder un morceau de pain à leur caniche… mais, cette fois, tu as