Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 1, 1850.djvu/159

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Penhoël tendit l’oreille avec avidité ; mais il ne saisit d’autre bruit que le sourd fracas de l’orage.

— Il y a trois choses possibles, reprit le passeur : ils ont été entraînés vers le tournant… ils ont gagné l’autre rive à la nage… ou bien ils se sont accrochés aux grands saules qui bordent la prairie sous la route de Redon… S’ils sont dans les saules, nous allons les entendre tout à l’heure… Écoutez encore !

Cette fois, un cri faible et perceptible à peine arriva jusqu’aux oreilles de Penhoël.

— En avant ! s’écria-t-il éveillé tout à coup par cette voix de la détresse.

Ses mains tâtaient le fond du chaland pour chercher une seconde perche.

— Vous pouvez bien patienter quelques minutes…, murmura le vieillard, car vous aurez toute votre vie pour regretter notre besogne de cette nuit !

— En avant !… en avant !…

Le passeur n’en travaillait ni moins ni davantage. Il allait, tantôt à droite, tantôt à gauche, se couchant sur sa perche flexible et louvoyant avec une adresse incroyable au milieu des mille courants qui se croisent sur l’étendue des marais.

Le vent portait. On entendait maintenant,