Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 2, 1850.djvu/160

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— Que peut faire un pauvre vieillard contre la volonté de Dieu ?… pensa tout haut Benoît Haligan.

Puis il garda quelques instants le silence, les bras croisés sur sa poitrine et les yeux au ciel.

Diane et Cyprienne se tenaient par la main. Leurs charmants visages, qu’éclairait faiblement la lumière tremblante de la résine, exprimaient une résignation mélancolique.

Toutes deux avaient une foi égale aux paroles prophétiques du passeur ; toutes deux croyaient à cette annonce d’une mort violente et prochaine. Elles donnaient leurs âmes à Dieu, et ne voulaient point fuir.

Le sacrifice était consommé au fond de leur cœur, sans faste et avec un calme pieux. Elles regardaient en face le martyre.

Au bout de quelques secondes, Benoît reprit comme en se parlant à lui-même :

— Mon Dieu ! pourquoi montrez-vous l’avenir à ceux qui sont trop faibles pour prévenir le malheur ou le combattre ?… Depuis que cet homme mit le pied sur mon bac, par un soir d’orage… depuis qu’un éclair me montra pour la première fois sa figure, une voix s’est élevée au fond de ma conscience… Il y a trois ans que mes rêves me le montrent, la nuit, le jour, dans la veille et dans le sommeil… et je vois toujours la