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LES BELLES-DE-NUIT.

la conscience exacte de tous les malheurs qui pesaient sur elle, mais elle sentait son cœur se briser. Ses cheveux détachés tombaient, alourdis et mouillés par une sueur glacée. Son visage exprimait une si terrible angoisse qu’il n’aurait pu changer davantage à l’heure de l’agonie.

Penhoël n’avait point pitié.

— Je comprends bien maintenant, continua-t-il, pourquoi vous m’engagiez, l’autre jour, à vendre le manoir… On vous avait menacée de ceci, madame !… N’est-ce pas que vous auriez donné tout ce que vous possédiez au monde pour ravoir votre secret ?

— Pour ma fille !… balbutia Marthe, mais devant Dieu, qui nous entend, je suis innocente, René, je vous le jure.

Penhoël haussa les épaules.

— Vous savez mentir à Dieu comme à moi, dit-il en posant le portefeuille sur la table pour avaler un verre d’eau-de-vie ; voilà vingt ans que vous mentez… tous les jours… toutes les heures !… Mais il ne s’agit pas de cela… Moi aussi je l’ai payé bien cher, ce portefeuille !… Autrefois, pour l’avoir, j’aurais donné une métairie, un moulin, une futaie… mais où sont les fermes de l’héritage de Penhoël ?… Où sont les beaux champs de mon père… et ses étangs… et ses forêts ?… Je n’avais plus rien à donner…