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CHAPITRE III.

se redressant, quels chagrins ?… N’allez-vous pas me prendre pour une victime de l’amour ?… Morbleu !… mon jeune camarade, gardez votre pitié pour une occasion meilleure… Je n’ai jamais aimé, moi, et c’est sur votre sort que je m’apitoie sincèrement.

Étienne eut un sourire triste.

— Je ne suis pas comme vous…, dit-il en secouant la tête, je ne repousse pas la pitié… car je souffre.

Montalt lui prit la main dans un mouvement d’irrésistible affection.

— Elle ne vous aime pas ?… murmura-t-il.

— Je crois qu’elle m’aime.

— Vous croyez ?… Oh ! elles vous prennent ainsi jeunes, beaux, généreux, pour exalter d’abord vos cœurs jusqu’au délire et pour vous briser ensuite sans pitié !… Elles se sentent invulnérables, parce qu’elles ne boivent point leur part du philtre mortel…

— Vous ne parlez pas d’elle, n’est-ce pas ? dit Étienne.

— Je parle de toutes les femmes.

— Vous ne parlez pas d’elle !… répéta Étienne d’un ton impérieux, car je ne permettrais pas qu’on lançât, même au hasard, l’insulte qui pourrait retomber sur sa tête… Tant pis pour vous, milord, si vous n’avez jamais rencontré en votre