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LES BELLES-DE-NUIT.

rencontra, au milieu d’un massif solitaire, un sujet inattendu de distraction.

C’était un pauvre diable, revêtu du costume des détenus militaires, qui dormait couché au pied d’un arbre, ou du moins qui semblait dormir, la tête penchée sur sa poitrine et les mains violettes de froid, dans l’herbe mouillée.

L’Américain n’avait nulle envie de voir la figure de cet homme, et pourtant, par un mouvement machinal, il se pencha en passant près de lui.

D’un seul coup d’œil il le reconnut.

— Vincent de Penhoël !… murmura-t-il avec étonnement.

Puis un sourire vint errer sur sa lèvre.

— C’est le cas ou jamais de renouveler connaissance !… se dit-il en prenant la main froide du jeune homme.

Au premier attouchement, Vincent s’éveilla en sursaut et se releva d’un bond.

Il y avait bien des nuits que le pauvre garçon n’avait fermé l’œil. Au point du jour, après la course désespérée qu’il avait fournie, il s’était traîné jusque-là pour éviter les regards, et la fatigue l’avait vaincu.

Son premier mouvement fut de fuir, car il gardait un souvenir vague des événements de la nuit, et il pensait qu’on venait l’arrêter.