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LES BELLES-DE-NUIT.

santerie, car la physionomie de Vincent avait cette expression sombre et presque sauvage que nous lui avons vue au moment du suicide. Sur ses traits, amaigris par les souffrances, il y avait un courroux sourd et concentré ; ses yeux menaçaient et sa voix avait peine à ne point éclater.

C’était un enfant énergique et fier, dont la colère ne s’usait point en insultes vaines. Il avait le calme de la force.

Le nabab ne comprenait rien à cette scène.

— Ah çà ! mon jeune ami, dit-il, avons-nous par hasard un grain de folie ?… Je vous demande en grâce pourquoi vous voulez me tuer ?

— Pourquoi je veux vous tuer ?… répliqua Vincent dont les sourcils se froncèrent ; vous vous souvenez, milord, que je vous ai conté autrefois l’histoire d’une jeune fille qui s’était endormie, pure, sur un banc de gazon le soir d’une fête… et qui se réveilla…

— Je me souviens, monsieur, interrompit précipitamment le nabab dont la joue se décolora tout à coup.

— L’homme qui s’était glissé sous le berceau, reprit Vincent, n’avait qu’un but en ce monde et qu’un espoir… réparer sa faute à force de dévouement et d’amour…

— Quand on a vingt ans…, murmura le nabab