Page:Féval - Les Cinq - 1875, volume 1.pdf/194

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Et pourquoi, depuis quatre jours que nous sommes ici ?… commença Mlle d’Aleix, sans témoigner aucune colère.

— Oh ! nous savions votre arrivée, dit encore l’aveugle. Le piano, les violons, les rires : tout cela, c’est la voix de Domenica Paléologue, et nous l’avions entendue. Du bon côté de votre grand mur ces choses réjouissent ; de ce côté-ci elles font mal.

Charlotte s’était levée vivement.

— Mère ! dit Éliane, qui se dressa sur son séant avec une énergie inattendue : vous avez offensé votre bienfaitrice !

— Si j’ai péché, qu’on me pardonne, répondit aussitôt la Tartare, qui fit un pas en avant et fléchit le genou, sans que son visage perdit rien de sa dure impassibilité. J’ai été esclave, je sais comme on s’humilie.

— Que faites-vous ! s’écria Mlle d’Aleix, vous ne m’avez pas offensée. Je me retirais parce que mon absence a duré trop longtemps déjà. Il y a des yeux ouverts sur moi. Au revoir.

Elle releva l’aveugle, qui murmura en passant la main sur son front :

— Il y a là un cruel chaos ! ma fille, ne juge pas ta mère !

En donnant un baiser à Éliane, Charlotte lui dit tout bas :

— Les ouvriers parisiens n’aiment pas à devenir domestiques. Joseph, près de moi, ne sera pas un valet,