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Le jardinier ne se doutait guère, à l’heure où il cognait, qu’à deux ans de distance, il plantait ainsi son levier dans la tempe d’un homme.

Pas plus que notre ami Édouard ne savait, en secouant son assassin inconnu de main de maître, qu’il accrochait un mort à un clou.

C’était pourtant cela positivement. La dernière poussée, la bonne, avait lancé le déplorable Fiquet au fond de la guérite avec une telle violence que sa tempe, rencontrant la pointe de fer, s’était crevée comme une pomme qui tomberait de l’arbre sur un pieu.

Et la propriétaire de la chèvre qui était à elle seule tous les troupeaux du village Donon, étant venu couper de l’herbe au bas du saut de loup pour le déjeuner de sa bête, avait avisé le mort, pendu à ce gibet.

Ordinairement, à Paris et aux environs de Paris, quand un meurtre se découvre, les légistes de carrefour recommandent avec toute l’autorité qui les rend si respectables « de ne toucher à rien avant l’arrivée du commissaire. » Mais le trou Donon était si loin de Paris !

Des imprudents avaient décroché Fiquet, qui gisait maintenant dans la poussière, au bord de la douve, entouré d’un cercle de curieux sans cesse grossissant.

Les parents étaient là au grand complet et les enfants aussi, qu’on avait bien du mal à contenir.

Le monde venait jusque de la rue de Babylone.

Bien des gens qui croyaient cependant connaître leur Paris, admirèrent la cité Donon pour la première fois, ce jour-là.