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(disent-ils) du prince des apôtres. Leurs domaines couvrent la Sardaigne, le pays de Catane, en Sicile, le royaume de Naples et les États de l’Église.

Le père de M. le marquis s’était fait naturaliser français en 1820 lors de la révolution du Piémont. La branche à laquelle appartenait Pernola était restée sicilienne.

M. le marquis avait un peu plus de trente ans. Son visage était sérieux et doux. Il avait grand air, mais à la façon d’Italie, qui sent toujours un peu son théâtre. Au premier coup d’œil, vous l’eussiez pris pour un homme d’intelligence supérieure et de vaste volonté. Au second, je ne sais trop. L’éclat de son regard gênait et inquiétait. Son vaste front sonnait le vide.

M. le comte atteignait à peine sa vingtième année. Il était plus sérieux encore et plus doux. On l’avait pris plus d’une fois en sa vie pour une gentille fillette bien sage, déguisée, je ne sais pourquoi, en cavalier. Au séminaire de Rome, où il avait étudié pour être abbé, il possédait, au dire de plusieurs, une excellente réputation de candeur et de mignonne austérité. D’autres, il est vrai, prétendaient qu’on l’avait expulsé pour coquinerie.

En ce misérable monde, la calomnie s’attaque ainsi aux natures les plus angéliques.

Malgré son âge encore si tendre, ce cher petit comte Giambattista Pernola était le guide, le conseiller, le mentor, en un mot, de son grand cousin le marquis. Il le menait par le bout du nez, mais avec un religieux respect. Il avait ce redoutable don d’humilité qui, à la longue, transforme les domestiques en maîtres.