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drez plus jamais la peine de menacer un pauvre homme de ma sorte qui s’est battu pendant vingt ans contre des bêtes, moins grosses, il est vrai, que vos buffles et vos ours, mais plus féroces, et cela sans autre récompense qu’un peu de pain et beaucoup de honte ; car Paris est toujours du parti de Mandrin contre la maréchaussée. À Paris, aucun honnête homme ne touche la main d’un inspecteur de police — jamais !

Ceci fut dit sans amertume ni fanfaronnade.

C’était net, c’était simple comme la vérité.

Pour la seconde fois, le sourire de Blunt montra toute la rangée de ses fortes dents.

— Je crois que vous avez raison, mon camarade, répliqua-t-il avec une égale simplicité. J’ai eu tort. Au pays d’où je viens, il y a trop de bandits et il n’y a pas assez de gendarmes pour que les honnêtes gens hésitent entre les deux. Là-bas, nous sommes avec les gendarmes, et je vous prie d’accepter mes excuses.

En même temps, il tendit la main à M. Chanut, qui tarda à donner la sienne.

Il faudrait beaucoup de paroles pour traduire le regard échangé entre ces deux hommes.

La joue de M. Chanut était rouge, quand il donna enfin sa main.

Blunt la secoua rondement et répéta, mais sur un tout autre ton que la première fois :

— Voyons vos deux histoires.

M. Chanut commença aussitôt :

— La première est d’hier. Ne me demandez pas de qui je la tiens : chaque métier a ses secrets.