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— Ce n’est pourtant pas votre fils, prononça tout bas M. Chanut, qui le regardait avec un intérêt mêlé d’inquiétude.

Blunt garda le silence. M. Chanut fronça le sourcil et poursuivit :

— S’il est votre fils, tous mes calculs tombent et je donne ma démission, je vous en préviens !

— Dans l’univers entier, balbutia l’Américain sans relever la tête, je n’ai plus qu’un amour, c’est lui.

— Tous ces aventuriers de Cooper sont des Normands ! grommela M. Chanut irrité contre la profonde émotion qui le prenait en dépit de lui-même. Allons ! debout, capitaine ! je vois bien que, désormais, vous ne m’écouterez plus ici… En route pour Ville-d’Avray ! je vous accompagne.

Blunt se leva tout chancelant.

— Il n’est pas mon fils, dit-il, pendant que M. Chanut l’aidait à descendre l’escalier. Je ne connais ni son père ni sa mère. Je lui ai consacré ma vie à cause de celui que j’aimais plus que moi-même, et qui est mort…

— Assassiné ?

— Oui lâchement.

— Par qui ?

Les yeux de capitaine Blunt brûlèrent et il répondit :

— Il serait vengé, si je le savais !

Ils étaient dans la rue. M. Chanut appela un fiacre qui passait.

— À Ville-d’Avray ! dit-il.

Puis il reprit, quand la voiture s’ébranla :