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— Capitaine, ni vous ni moi nous n’avons de temps de jouer à cache-cache : j’ai fait ma première communion à la paroisse Saint-Sulpice, et vous !

Un sourire éclaira le nuage qui couvrait le regard de Blunt.

— Je vous avais reconnu par votre nom mieux encore que par votre visage, dit-il, et il me plaisait d’avoir affaire à vous.

— Moi, répliqua Chanut, le nom ne pouvait pas beaucoup me servir puisque vous en avez changé. Vous étiez le fils d’une maison riche, et j’avais une mère bien pauvre.

— Je me souviens de votre bonne mère, ami Vincent, dit encore Blunt.

— Et de mon petit nom aussi, à ce qu’il paraît ? fit M. Chanut, évidemment flatté. Ma mère m’a demandé bien des fois, à moi qui suis censé tout savoir par métier, ce qu’était devenu le beau jeune monsieur qui vint un matin, avec son précepteur, dans notre logis de la rue des Canettes, m’apporter le costume complet des communiants. Ce fut une joie, cela, capitaine : une grande ! Je n’en ai pas eu assez d’autres en ma vie pour que ma mémoire soit surchargée. Je me souviens, non-seulement, du costume, mais aussi du jeune écolier qui m’embrassa en me le donnant. Et j’ai commencé à vous reconnaître quand vous m’avez menacé tout à l’heure… Encore un souvenir : je vous avais vu en colère un jour que nos camarades du catéchisme voulaient me battre en m’appelant « le petit mouchard », parce que mon père était mort garçon de bureau à la préfecture. Ah ! saperlotte ; ce n’est pas moi qui fus battu !