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M. Chanut secoua la tête.

— Tous les chercheurs d’or ne deviennent pas riches, dit-il, et tel qui a évité les dangers du désert succombe au milieu de la sécurité des grandes villes. Arregui a travaillé sous mes ordres et je ne savais pas que ce pauvre homme, offrant toutes les heures de sa journée pour un morceau de pain, avait risqué, sur les tapis verts de San-Francisco, de pleins sacs de quadruples. Tout en accomplissant son devoir dans ma maison, il suivait à Paris une piste pour son propre compte. Un soir, il me dit : « Patron, j’ai trouvé le diable. Demain, je serai riche ou mort ! » C’était la Française des placers qu’il avait rencontrée. C’était elle qu’il appelait le diable.

— Et le lendemain ?

— Le lendemain, il était mort.

Capitaine Blunt avait de la sueur au front.

— Cette femme est donc véritablement un démon ! pensa-t-il tout haut.

— Voici ce que disait Arregui en parlant d’elle, répliqua M. Chanut :

« J’étais bon, j’étais brave, j’étais heureux avant d’avoir été mordu par ce serpent. Son baiser m’a damné ! »

Capitaine Blunt murmura :

— Où la trouver ?… Puisque cet Arregui est mort, il ne peut plus nous la montrer au doigt.

— Peut-être… prononça M. Chanut à voix basse.

Le regard de Blunt interrogea avidement, mais M. Chanut changea de ton et poursuivit :

— En attendant que le mort parle, écoutez le témoi-