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firme du bénitier, elle fut saluée dix fois avant d’arriver à sa place habituelle.

On lui témoignait un respect familier, à cette belle grosse dame qui pleurait sa messe tous les matins et festoyait tous les soirs. Il n’y avait pas jusqu’à sa dame de compagnie, si robuste et si valaque, la bonne Savta, qui n’eût sa part de popularité dans le petit monde de l’église des Missions.

Aujourd’hui, Mme la marquise n’avait point eu le bras de Savta pour monter le perron : elle arrivait seule et s’arrêta tout essoufflée devant sa chaise d’acajou munie, entre autres commodités d’un coussinet de velours pour appuyer les coudes.

Sous le coussinet, un coffret fermant à clef servait à serrer les livres de prières que la marquise avait en considérable quantité.

Domenica ouvrit ce coffre, y prit son paroissien ordinaire et suivit la messe qui commençait.

Comme elle était naturellement croyante et qu’elle avait dans le cœur un désir passionné, elle priait avec une extrême ferveur. Ses voisins l’entendirent plus d’une fois sangloter.

On était habitué à cela et chacun savait la cause de ses larmes.

En somme, si impossible que fût l’espoir de cette mère, cherchant, après vingt ans, un enfant disparu à l’heure même de sa naissance, il n’y avait rien là qui pût inspirer autre chose que de la compassion et du respect.

Aujourd’hui, Mme la marquise subissait une véritable crise de dévotion.