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L’élan de son âme vers Dieu fut plus ardent encore que de coutume. Sa prière était une extase où le nom de Domenico revenait parmi les pleurs qui brûlaient sa paupière. Elle disait dans la bonne foi de son transport maternel : « Seigneur, faites-moi pauvre ! que je souffre le froid et la faim ! Seigneur, abrégez ma vie, mais que je puisse revoir mon Domenico, mon pauvre enfant chéri avant de mourir ! »

Tout à coup, un peu après l’élévation, les fidèles furent distraits par un cri étouffé.

La marquise de Sampierre était debout, tenant d’une main son livre d’Heures et de l’autre un papier, sur lequel son regard s’attachait comme s’il eût obéi à une irrésistible fascination.

Elle tremblait de tous ses membres avec violence ; ses jambes ne pouvaient plus la soutenir.

— Mon Dieu ! mon Dieu ! mon Dieu ! dit-elle par trois fois.

Le secours seul de ses voisins l’empêcha de tomber à la renverse.

Elle ne voyait plus le prêtre à l’autel, et sans doute elle avait perdu toute conscience du lieu où elle se trouvait, car elle reprit à voix haute :

— Le livre était dans le coffre ! je le jure ! je jure que le coffre était fermé à clé !

La folie se déclare ainsi parfois d’une façon foudroyante et il y a des familles condamnées.

On fit sortir madame la marquise du saint lieu en usant de tous les égards possibles.

Elle n’opposait aucune résistance à ceux qui l’entraî-