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— Il a bien fait.

— D’autres disent qu’on l’a empoisonné…

— On a bien fait.

Dans le silence qui suivit, la pendule sonna deux heures. Le marquis se leva aussitôt. Il prit dans le tiroir de sa table une très-belle trousse de chirurgien et la mit sous son bras.

— Voici le moment, dit-il d’une voix altérée. Ce jour-là, à Milan, ce jour maudit, quand deux heures sonnèrent, elle n’était déjà plus au palais Sampietri. Mon regard ne pouvait plus veiller sur elle.

— Qu’allez-vous faire ? demanda Pernola qui essayait en vain de garder son sourire.

M. de Sampierre le regarda fixement.

— Vous avez beaucoup contribué à l’arrêt que je vais porter, dit-il.

— Giammaria ! mon bien-aimé cousin ! s’écria le jeune comte, vous vous méprenez, je vous le jure sur mon honneur ! Moi soupçonner ma noble cousine ! jamais ! C’est mon dévouement pour vous, mon respect… Voyons, corbac ! parlons raison ! nous sommes à Paris et voici la Gazette des Tribunaux ! Ce n’est plus comme en Italie, au bon vieux temps. Nous vivons dans un siècle et dans un pays où l’on envoie les ducs et à plus forte raison les marquis à l’échafaud, au bagne, partout ! absolument comme si c’étaient de simples notaires !

— Pourquoi non, demanda M. de Sampierre, si les ducs et les marquis le méritent ?

Il se tenait droit, son front avait d’austères fiertés.