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Page:Féval - Les Cinq - 1875, volume 2.djvu/218

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été jusqu’ici Édouard Blunt. Il m’a suffi. Je n’ai pas l’ambition d’en changer. D’autres ont pu souhaiter pour moi vos titres et vos biens, qui, selon eux, m’appartiennent dans l’avenir ; moi, je ne m’en soucie pas…

— Vraiment ! fit M. de Sampierre qui écoutait avec curiosité.

— C’est comme cela, poursuivit Édouard. Il y a dans cette maison beaucoup de tristesse pour le présent, et, l’avenir m’y paraît gros de menaces. Je ne crains pas les batailles ; cependant, sur ce terrain de Paris qui m’est inconnu, j’ai défiance… Mais c’est trop de paroles après trop de silence. Vous allez me juger d’un seul mot : tout à l’heure je suppliais Mlle d’Aleix de me suivre au-delà de la mer, dans cette vie de travaux, de dangers et de liberté qui a été ma vie. Charlotte m’a répondu : « Il est permis d’abandonner son droit, mais non pas son devoir. » Et je suis resté. Parlez-moi désormais, monsieur, je vous prie, comme à un homme qui fait son devoir.

Il y avait un étonnement profond dans le regard de M. de Sampierre.

Mlle d’Aleix se rapprocha de lui et glissa son bras sous le sien.

À la douce pression de ce bras, le marquis répondit sans savoir peut-être qu’il parlait :

— C’est un homme, en effet ! Par le corbac ! c’est un homme… et il y a un écho de moi dans sa voix !

Il ajouta, dompté par une émotion soudaine qui mouilla sa paupière pour la première fois depuis des années.