Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome I.djvu/165

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— Et quel air M. Carpentier avait il en l’écoutant ?

— Son air de tous les jours. Je crois qu’il a dit comme vous. « C’est une histoire fort curieuse. » Il aime assez le tableau.

Il y eut un silence après lequel Vénus reprit sa pose en disant :

— Je vous remercie et je vous prie de continuer.

— Il faut bien vous avouer, poursuivit Reynier, que l’important pour moi, en ce moment, ce n’était pas les deux portraits, mais le pain et la viande. Je me jetai sur le cuissot de cabri que la vieille m’apportait, et je bus un verre de vin à sa santé du meilleur de mon cœur.

Elle me regardait manger, caressant de temps à autre sa bouteille, absolument comme d’autres prennent une prise de tabac.

— C’est cet ivrogne de marchef qui a tué le cabri, me dit-elle, il ne boit pas moitié si bien que moi, mais ça le dérange. Et c’est étonnant, car il est plus fort qu’un bœuf. Quand il est soûl, il pleure sa femme, dont il a ouvert le ventre avec un couteau dans le temps. Que les hommes sont bêtes !

— Ces portraits-là sont ceux des maîtres de la maison ? demandai-je la bouche pleine.

Elle me regarda de travers.

— Empiffre-toi, bijou, répliqua-t-elle, et ne te mêle pas des affaires des autres.