Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome I.djvu/166

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Mais elle ajouta presque aussitôt :

— Oui, oui, les portraits des maîtres : Il padre d’ogni, le père à tous, et le marquis Coriolan, son petit-fils, un beau gars, s’il avait du poil au menton. Pierrot est-il toujours aux Funambules ? J’ai tout de même soufflé un gendarme à Mme Saqui, dans le temps. Et quand j’entrais au café des Aveugles, le sauvage battait la générale ! Vive la joie ! La rifla, fla, fla, girofla ! Le marchef est un ivrogne. Moi, je pompe sans m’incommoder.

Le murmure des voix qui venaient d’en bas, s’enfla tout à coup.

La vieille pâlit et m’arracha le pain de la main.

— Tout de suite, s’écria-t-elle, tu vas filer tout de suite, mon lapin blanc. Si on te trouvait ici, je serais battue et toi saigné comme un poulet !

Je ne peux pas dire que j’eusse une très solide confiance dans la moralité de la maison où le hasard m’avait fait trouver un asile, mais aucune appréhension tragique n’était dans mon esprit.

C’était la seconde fois que la vieille parlait de meurtre. Je n’y croyais pas.

Peut-être l’excès de la fatigue me rendait-il indifférent. Mon parti pris était de passer la nuit là où j’étais.

Je préférais le danger, si tant est qu’il y eût danger, à l’horrible torture du vent, du froid, de la pluie s’acharnant dehors, dans cette nuit hideuse,