Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome I.djvu/223

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provoqué en lui la fièvre du calcul, et tout calcul engage.

Quiconque a engrené un doigt dans cette roue vertigineuse : l’algèbre des probabilités, finit par être emporté, corps et tête, fatalement.

On avait dit à Carpentier : Oublie ! C’était la condition même du marché qui changeait sa misère en aisance et fondait l’avenir de ses enfants. Il essaya d’oublier. Il crut avoir oublié. Quand il causait avec lui-même, il se disait : Je serais le dernier des hommes si je n’exécutais pas cette clause si facile. »

Mais il était seul et il y avait un embryon de calcul. Quelle force peut empêcher le travail sourd de la graine qui germe ?

Vous avez tous eu ce songe des froides nuits, quand le sommeil garde conscience de quelque devoir matinal. On s’est couché en s’ordonnant à soi-même le réveil à heure fixe. On en rêve, tant on a bonne et loyale volonté.

On rêve qu’on s’éveille, qu’on saute hors de son lit, grelottant, mais courageux, qu’on s’habille en regrettant les draps si chauds ; on a conscience de son propre héroïsme, on s’en applaudit, — mais on dort toujours, — et l’heure passe.

Vincent était seul. Il rêvait, et son rêve était ainsi :