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À la tombée de la nuit, il se déguisa comme à l’ordinaire, et couvrit son travestissement du long manteau qui lui servait à sortir de chez lui.

Ceux qui, pour un motif ou pour un autre, prolongent ainsi le carnaval en dehors des jours gras, sont sujets à se faire illusion. Ils croient, dur comme fer, que personne ne les reconnaît.

Il y en a beaucoup qui se trompent.

Vincent Carpentier prit une route très-détournée pour aller du quartier Saint-Lazare à la rue Saint-Roch. Il aurait juré que personne ne le suivait.

Quelque part, dans un de ces terrains vagues qui abondaient encore alors derrière la gare actuelle du chemin de fer du Havre, il dépouilla son manteau dont il fit un paquet, coiffa son garde-vue vert et prit son rôle de vieux juif.

À l’angle aigu formé par les rues Saint-Roch et des Moineaux, il passa tout contre un jeune homme arrêté devant les carreaux d’un petit magasin borgne où l’on faisait semblant de vendre des modes.

Le jeune homme avait le dos tourné, mais il essaya de glisser un regard oblique sous le garde-vue de Vincent.

Celui-ci avait l’instinct éveillé et subtil des gens qui se cachent. Il guettait d’ailleurs, lui aussi, songeant à l’ombre de la nuit précédente.

Il se retourna à demi et ses yeux choquèrent ceux du jeune homme, qui s’éloigna aussitôt.