Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome I.djvu/256

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rant l’asphalte du pavé de la Rue-Basse, où l’on a bâti depuis le Grand-Hôtel, une file non interrompue de sans-gêne des deux sexes s’asseyait sur la barre d’appui, comme on voit, aux jours d’orage, d’énormes brochettes d’hirondelles charger les fils télégraphiques des chemins.

Il faisait une chaleur étouffante, la bière allemande, ou soi-disant telle, coulait à flots ; une véritable marée de promeneurs descendait des Champs-Élysées, où les deux premiers cafés chantants préludaient alors avec modestie aux splendeurs actuelles de cette généreuse institution.

Carpentier se mêla un instant à la foule. Dans la foule on est très bien pour travailler de tête, c’est un fait acquis. L’esprit s’isole au milieu d’une grande cohue presqu’aussi aisément que dans les profondeurs d’une forêt.

Par ces nuits pleines où la ville déborde, le temps détraque son éternelle horloge. Les heures du sommeil s’étonnent d’assister à cette veille bruyante.

L’espace est alors si court entre le moment où Paris se couche et celui où le soleil se lève que c’est pitié pour les libres industries qui ont besoin des ténèbres.

Le loisir manque pour l’escalade, l’effraction, et autres travaux d’art. Les bandits ont soif, pourtant, dans cette saison morte, qu’ils traversent comme une Arabie.