Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome I.djvu/285

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si j’avais gardé toutes mes splendides conquêtes amoncelées comme elles étaient dans cette cave… tu sais ? La cave du tableau de la galerie Biffi… le jour où le jeune homme qui est maintenant un vieillard, tua le vieillard qui maintenant revit dans un jeune homme dont la main tient aussi un poignard… C’est la loi, c’est notre loi. Par deux fois, j’ai tué le vengeur qui en voulait à ma vie. C’était mon droit. Le troisième viendra, si je ne le tue pas, il me tuera.

Sa tête ridée et jaune s’était inclinée sur sa poitrine. Il parlait d’une voix lente, mais ferme.

Vincent n’écoutait plus. Son âme était dans ses yeux, qui plongeaient tout au fond de la cachette où chaque pouce carré de la muraille représentait une fortune, tandis que des pilastres composés de colonnettes, faites avec ces larges pièces de cent quarante lire à l’effigie des princes de la maison de Savoie, rois de Piémont, de Sardaigne, de Cypre et de Jérusalem, montaient du sol à la voûte.

Car il y avait de la mise en scène considérablement dans l’arrangement de ce réduit sans doute unique au monde.

Le trésor moderne qu’on ne voyait point à première vue, et dont nous n’avons pas parlé encore, ne pouvant parler aux yeux, on lui avait laissé pour enveloppe et pour parure les splendeurs naïves du trésor antique.