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version qui venait d’avoir lieu lui avait sauvé la vie, aucun doute ne pouvait exister à cet égard ; sans cette diversion, le couteau qui brillait maintenant à terre eût été déjà plongé dans sa poitrine.

Le colonel, en effet, avait eu, au début de l’entrevue, une velléité de clémence ou plutôt d’arrangement. L’idée d’acheter un esclave lui avait traversé l’esprit, mais la réflexion avait changé cela. Vincent en savait trop : il était condamné.

Comme rien ne pouvait arrêter le vieil homme, ni pitié ni scrupule, comme Vincent ne pouvait opposer aucune espèce de résistance, le caprice miséricordieux ayant cédé le pas au caprice sanguinaire dans la cervelle de cet enfant de cent ans, tout était dit.

Vincent aurait donc dû bénir le défenseur providentiel qui s’était mis à l’improviste entre sa poitrine et le poignard. Il n’en était pas ainsi : la fièvre d’or le tenait, glacial et farouche délire qui calcule en dehors de toute logique humaine.

Il n’avait pas eu peur de mourir. Il n’y avait en lui que l’excès de son martyre physique et la pensée de l’or.

Le couteau l’aurait tué sans le distraire du prurit double, souffrance et jouissance, qui exaltait tout son être.

L’amant est toujours du parti du mari.

C’était ici une affaire d’amour. On ne hait pas le mari dans ces drames de la vie commune qui cou-