Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome I.djvu/323

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— Si je l’avais, cette clé, pensa Vincent dont la poitrine se gonfla sous l’effort d’un prodigieux désir, c’est moi qui serais le Maître ! Je rendrais au Bien ces richesses incalculables entassées par le Mal. Je m’égalerais à Dieu, car, d’une main, je détruirais l’impure armée du crime, de l’autre, je répandrais sur toutes les misères de ce monde, mon opulence, comme un inépuisable flot de bienfaits !

Et la lame de son couteau mordit la corde.

C’est toujours comme dans l’amour, dont l’éloquence ne croit jamais mentir. Ils sont sincères, ces fiancés de l’or ; ils sont généreux ; leur rêve entasse monts et merveilles.

Ils voient passer devant leurs yeux éblouis la cohue des misérables qu’ils vont rendre heureux. Cela coûte si peu !

Mais, comme dans l’amour aussi, la possession tue et damne. Ces cœurs, si larges hier, se racornissent le lendemain.

Quand le comte Julian jeta sa cigarette brûlée, Vincent avait tranché à moitié la corde qui liait son bras gauche à ses flancs.

Il dut interrompre encore son travail parce que le parricide s’approchait de l’alcôve.

Julian vint jusqu’aux rideaux et regarda le lit.

Vincent appuya contre son cœur le manche du poignard sur lesquels ses doigts se crispaient violemment.