Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome I.djvu/324

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Il ne pouvait pas bouger, mais le parricide pouvait faire un pas de plus.

Un seul. Cela aurait suffi pour le mettre à portée du couteau.

Julian avait la clé. — Il était sans défiance. — Vincent voyait déjà le couteau enseveli dans sa poitrine, tout entier : manche et lame.

Il frappait par avance. Il avait l’ivresse de ce coup véhément, horrible ; il voyait, il élargissait l’énorme blessure d’où le sang s’élançait comme un jet de rubis…

Vincent, vous savez, cet honnête garçon qui, en toute sa vie, n’avait pas commis une action mauvaise ! Ce serait trop peu de dire que l’idée d’assassiner ne l’arrêtait pas.

L’homme saoulé par les fumées de l’or ne procède pas ainsi dans ses rêves.

Il faut dire, pour être vrai, que l’idée d’assassiner transportait le cerveau de Vincent et faisait voluptueusement tressaillir toutes les fibres de son être.

Mais le pas qui restait à faire était aussi large qu’un abîme.

Il y avait pour Vincent impossibilité absolue de le franchir.

Et le comte Julian ne le fit pas.

Le comte Julian songeait, calculait, dressait le bilan de sa situation présente avec un admirable sang-froid. Sa première parole fut celle-ci, et certes,