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cassée que le colonel prenait à ses heures de gaieté.

Vincent suivait désormais tous ses mouvements avec une véritable admiration. Il pensait :

— La supercherie réussira. J’y aurais peut-être été trompé moi-même. Il s’est mis dans la peau du vieux. C’est un chef-d’œuvre !

Tel était aussi l’avis du comte Julian, car il s’envoya un baiser à lui-même dans le miroir.

Ce geste enfantin et vieillot était si bien dans les mœurs du mort qu’un sourire s’ébaucha sur les lèvres de Vincent, tandis qu’un frisson lui courait dans les veines.

Rien ne peut dire la lugubre gaieté de ce carnaval parricide.

L’assassin contrefaisait sa victime avec un art consommé. Tout y était, le port chancelant, le tremblement des jambes, la bonhomie un peu féline et la petite pointe de raillerie.

Tout, jusqu’à la voix, car le comte Julian parla, et Vincent chercha des yeux le cadavre pour voir si la bouche remuait.

Le comte Julian dit :

— Bonjour, mes biribis chéris, petit bonhomme vit encore, eh ! L’Amitié ? Docteur, je n’ai que cent sept ans, il faudra soigner ce rhume qui me fait paraître plus que mon âge. Ça nuit à mon succès auprès des dames. Ah ! mes pauvres trésors, quand vous ne m’aurez plus, vous me regretterez….