Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome I.djvu/36

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tu ne sauras pas si tu es sur la route de Versailles ou sur le chemin de Saint-Denis.

— Nous sortirons donc de Paris ? s’écria involontairement Carpentier.

— Peut-être oui, peut-être non, bonhomme ! Le premier chien qui voudra de ta langue, je la lui donne. Tout ce que tu pourras répondre à ceux qui te demanderont des renseignements sur ton excursion, c’est qu’on ne t’a pas fait franchir la frontière de la France, ta patrie, bornée au nord par la Flandre et le Brabant, à l’est par la Suisse, au sud par la Méditerranée, à l’ouest par l’Océan. Tiens ! je vais te faire une importante confidence : nous sommes dans la rue Saint-Honoré ; allons-nous vers les Halles ou vers le Roule ? Hé ! bonhomme ?

Carpentier ne répondit pas tout de suite. Quand il prit la parole, ce fut pour dire :

— Vous êtes plus qu’un honnête homme, vous passez pour un saint, et à l’âge que vous avez, on se tient prêt à paraître devant Dieu. S’il n’y avait que moi, j’aurais à choisir, mais retrouverais-je jamais une pareille occasion pour mes pauvres enfants ? J’ai cherché à deviner où nous allons, c’est vrai, mais j’y renonce. Vogue la galère !

Le colonel lui tapa la joue paternellement.

— Toi, murmura-t-il, tu es un finaud, mais tu ne m’endormiras pas.

La voiture se mit à rouler sans bruit sur la terre