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l’enfant sous prétexte de lui enseigner la langue et la littérature italiennes, une image apparaissait toujours, adroitement ménagée, éclairée d’un jour sombre et mystérieux, encadrée par cet invincible prestige que rayonne le malheur des grandes races.

C’était l’héritier unique des splendeurs passées, — le jeune frère de Marie-de-Grâce, — prince dans l’avenir peut-être : le comte Julian.

Et Marie-de-Grâce laissait percer ce rêve : Irène, son élève, la fille de son cœur, fiancée à ce destin en même temps mélancolique et splendide !

Irène était bien jeune. Elle aimait Reynier de tout son cœur, à peu près comme elle aimait sincèrement et profondément son père.

Reynier lui-même avait contribué à ce résultat par la somme de respect qu’il mêlait à son ardente tendresse : respect pour l’enfant, respect pour lui-même, respect pour leur commun avenir.

On eût dit qu’il craignait d’ouvrir, même pour y jeter un furtif coup d’œil, l’écrin où dormaient les adorées promesses de son bonheur.

J’hésite à exprimer cela : Irène n’avait vu du comte Julian que le portrait en miniature qui ne quittait jamais Marie-de-Grâce, et pourtant le comte Julian occupait en maître l’imagination d’Irène Carpentier.

Elle rêvait de ce pâle visage. Dans la pureté absolue de son âme elle ignorait le danger de rêver.