Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome II.djvu/129

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donné autrefois du génie à un peintre enfant, et qui, par contre, avaient ployé jusqu’à la honte la noblesse d’un cœur héroïque.

Elle était belle, nous le disions alors, belle orgueilleusement, belle insolemment, de cette beauté qui éclate et grandit au-dessus des tristesses de la rivale vaincue.

C’était vrai : ainsi passait dans sa gloire terrible la courtisane d’autrefois.

Maintenant, après des années, la courtisane ayant fait peau neuve, comme le serpent, allait, miraculeusement transfigurée, belle encore, plus belle, mais d’une autre beauté, simple et décente comme la vie d’une honnête femme.

Le désordre superbe de ses cheveux châtains aux lueurs fauves n’était plus ; ses yeux long-fendus, frangés de sombre et renvoyant comme un miroir ardent les chaudes clartés de l’orgie, avaient éteint leur flamme audacieuse.

L’abandon de sa grâce lascive avait fait place à la dignité.

Cela, naturellement, et comme si le passé seul eût menti.

Elle était belle hautement, belle jusqu’à éblouir en forçant le respect. Mais l’âge, dira-t-on ?

Je ne sais pas. Qu’importe l’âge ! Avez-vous vu l’orage et le temps glisser sur le marbre poli ? Le bronze des chefs-d’œuvre n’a pas d’âge.