Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome II.djvu/52

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Il y avait de l’écarlate sur ses joues, du feu dans ses prunelles.

Dans un autre récit, nous l’avons vue à l’œuvre. Nous savons jusqu’à quel degré d’héroïsme et d’abnégation sa générosité pouvait être poussée.

Mais l’or est un diable ou, à tout le moins, il y a un diable dans l’or. L’ancienne maman Léo appartenait à ce petit peuple des artistes forains, si mal connu, qui vit matériellement de pain sec et d’eau-de-vie, moralement de féeries et d’invraisemblances, brillantes comme des découpures du soleil.

Là, on se jette à corps perdu dans l’ivresse et dans le merveilleux, parce que le sang-froid est la misère et la réalité, la douleur.

Mme Canada était prise deux fois en écoutant les divagations de cette plaidoirie : elle était prise par le merveilleux, elle était prise par l’ivresse.

L’ivresse venait de l’or accumulé qui remuait et tintait au fond de ce récit comme dans une cave où quelque manouvrier mystérieux aurait remué les millions à la pelle ; le merveilleux, c’était le drame qui se jouait autour du trésor, sorte de pôle fatal vers lequel se précipitaient tant de marionnettes aimantées.

Des pauvres, des riches, des masques, des visages, des morts et des vivants, une sorte de danse macabre qui cabriolait les pieds dans le sang, et derrière laquelle apparaissaient dans l’ombre, comme une